Interview avec Yoann Kowal

13. mars 2018

Le Français Yoan Kowal a gagné de manière magistrale la plus ancienne course citadine de Suisse, la Course Titzé de Noël de Sion. Actuellement l’athlète, qui a remporté la 5ème place aux Jeux Olympiques de Rio, prépare son prochain grand défi : les championnats européens de Berlin.

Pour la préparation de ton prochain défi, tu t’entraînes actuellement à l’INSEP à Paris. Comment se déroule ta journée d’entraînement type ?

J’ai commencé à m’entraîner à l’INSEP à la rentrée, en septembre. J’entame ma journée en me levant 07h00 et je prends ensuite mon petit déjeuner. À 9h30 j’emmène ma fille à la crèche et je me rends à l’INSEP, où j’entame mon premier entraînement de la journée vers 10h00. Tout au long de la semaine j’alterne mes types d’entraînements - je fais des sessions de côtes, sur piste, du fartlek en nature, de la musculation et des sorties tempo entre autres. Je termine vers 12h30 et je passe chercher ma fille à la crèche avant de rentrer chez moi pour le dîner. L’après-midi je me repose, par exemple en faisant une petite sieste. Je considère très important le fait de bien récupérer au moins 6 heures entres deux entraînements. À 17h00 ma femme rentre pour s’occuper de notre fille et moi je repars pour ma deuxième session d’entraînement de la journée. Pour cela je vais souvent courir en bord de Marne avec mon chien.

Ces dernières années t’as préparé ta saison au Kenia. Pourquoi renonces-tu à ce type d’entraînement en altitude cette année ?

C’est un choix que j’ai fait pour mieux pouvoir combiner ma vie professionnelle et ma vie privée. Dans le passé ma femme a fait beaucoup de concessions pour pouvoir me suivre et s’adapter à mon rythme de vie. Là elle a eu une opportunité professionnelle à Paris et j’ai décidé de la suivre. J’ai eu la chance de pouvoir intégrer l’INSEP, qui offre aux athlètes des conditions de préparation exceptionnelles, avec des infrastructures excellentes et où on est suivi par une équipe de professionnels de haut niveau.

Ce printemps j’ai tout de même prévu de me rendre à Flagstaff, dans l’Etat de l’Arizona, aux Etats-Unis pour un stage en hauteur.

Quels sont, selon toi, les trois plus grandes différences entre les coureurs kenyans et les coureurs européens?

L’athlétisme fait partie de leur culture. Ce n’est pas un luxe, un choix, comme ça peut l’être chez nous. Courir c’est survivre, et la course fait vivre beaucoup de monde là-bas.

Les Kenyans s’entraînent en groupe, et du fait que beaucoup de monde court, ça crée un plus grand réservoir de potentiels athlètes d’élite.

Enfin leur situation géographique fait ainsi qu’ils s’entrainent à une hauteur moyenne de 2'400 mètres, sur des parcours avec beaucoup de dénivelé. Cela résulte à se retrouver dans des conditions plus « faciles » lorsqu’ils se rendent en Europe pour participer aux compétitions. 

Quels sont tes principes d’entraînement?

Je suis très rigoureux et assidu dans tout ce que je fais – par exemple dans mes entraînements, dans le respect de mes heures de sommeil et dans mon régime alimentaire. Je m’autorise bien entendu quelques écarts de temps en temps, mais je ne me permets jamais de déborder dans l’excès. Je trouve que cela est ma plus grande force.

Je tire aussi beaucoup d’inspiration du Kenya. J’ai la chance de vivre de ma passion, ce qui rend mon approche envers mon travail évidemment plus agréable.

Ton objectif est celui de te reconvertir dans la discipline du marathon. Comment envisages-tu ce changement ? Quels sont les plus gros enjeux que cela comporte?

Mon prochain objectif c’est ma participation, toujours sur steeple, aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2020. Ensuite j’entamerai ma reconversion sur le marathon. Cela comportera beaucoup de changements dans mon entraînement : l’alimentation, l’hydratation, la préparation physique… tout est différent. Mais je suis motivé à m’adapter et à optimiser le plus possible ma préparation pour mettre toutes les chances de mon côté et réussir dans cette discipline.

Au Kenya, j’ai eu la chance d’avoir comme partenaire d’entrainement Daniel Brodard. Il m’a offert son soutien et m’a proposé de me mettre en lien avec des athlètes confirmés dans la discipline comme Viktor Röthlin. Quant à mon objectif, je vise à courir un marathon en 2 heures 10 et une participation dans la discipline aux Jeux Olympiques de Paris en 2024.

Il est important d’avoir des objectifs et d’être ambitieux, c’est ce qui me motive dans mes entraînements. Je donne tout dans ce que je fais et je ne le regrette pas.

Quels sont, selon toi, les trois points essentiels qui expliquent ta réussite?

De la rigueur dans ma vie de tous jours, comme expliqué avant, c’est ce que je considère ma plus grande force.

De l’assiduité – ne jamais rater les entraînements, et bien suivre mon planning et croire dans l’atteinte mes objectifs.

De la motivation – la maîtrise du mental et de la confiance en soi. J’essaye de trouver le bon équilibre, d’utiliser tout mon potentiel, sans pourtant passer au-delà de mes capacités, au risque de me blesser.

As-tu un secret que tu pourrais nous dévoiler?

En 2011, aux Championnats Européens en salle à Bercy, je suis arrivé en demi-finales. J’avais des bonnes chances de rentrer avec une médaille au cou et les médias étaient tous tournés vers moi. Mais j’ai terminé 5ème dans la série. Je me suis mis la pression et j’ai couru avec plus de peur de perdre que d’envie de gagner.
Après cette expérience j’ai entamé des séances de sophrologie, une forme de préparation mentale, qui m’a permis de prendre conscience de mes émotions et de mieux les gérer. Ce fut un apport très important et dont je me sers encore aujourd’hui. Même si cela pourrait sembler à une faiblesse à première vie, personnellement je considère cet outil une force, qui m’’offre un avantage face à mes concurrents.