Mangez-vous assez de fibres?
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Peu de gens sont capables de donner la définition d’une fibre alimentaire. Pourtant, ces fibres ont des fonctions essentielles dans notre processus d’alimentation. En Suisse, on en consomme d’ailleurs bien trop peu.
Au départ, pour la science, tout tournait autour des calories, des protéines, des glucides et des lipides. Ensuite, on a regardé de plus près les micronutriments, les minéraux et les vitamines, avant de finir par s’intéresser aux fibres. Les premières études scientifiques sur les fibres apparaissent vers le milieu des années 1950, alors qu’on ne comprend pas encore vraiment leur mode de fonctionnement. À l’époque, en effet, on pense encore que les fibres ne sont pas digérées par l’intestin, et qu’elles n’ont pratiquement aucune valeur nutritionnelle. On se contente de l’idée qu’une quantité suffisante de fibres alimentaires assure un bon volume de selles, ce qui améliore le transit. Depuis, nous en savons beaucoup plus.
L’hypothèse de Burkitt
Dans les années 1960, notre vision des fibres change beaucoup. Désormais, on leur attribue de plus en plus souvent une fonction préventive pour de nombreuses affections, comme les maladies cardio-vasculaires, intestinales, ou le cancer. L’hypothèse porte le nom d’un chercheur, l’un des premiers à attribuer cette fonction préventive aux fibres: Denis Burkitt.
Cette hypothèse de Burkitt, reliant des effets secondaires néfastes à une alimentation trop pauvre en fibres, est aujourd’hui confirmée. Aujourd’hui, il ne fait plus aucun doute qu’une alimentation pauvre en fibres est un facteur de risque dans de nombreuses affections, comme le cancer du colon, du foie ou du sein. Elle affecte également la mortalité de l’ensemble des cancers, les maladies cardio-vasculaires et le diabète.
Les fibres, quelle quantité optimale?
De combien de fibres avons-nous besoin, et quelle quantité est suffisante? En Europe, chez l’adulte, la quantité de référence s’élève à 25 grammes de fibres par jour. Cette recommandation ne représente cependant que le volume nécessaire à un transit intestinal normal. Elle limite donc les fibres à leur ancienne définition de simple véhicule à selles. La recommandation nutritionnelle suisse, avec ses 30 grammes par jour, ne s’éloigne pas vraiment de la valeur européenne.
Ces quantités permettent-elles une activation optimale de toutes les fonctions des fibres? Ce n’est pas encore prouvé. Ce qui est certain, c’est que les alimentations traditionnelles dépassent largement 25 à 30 grammes de fibres alimentaires. Ainsi, dans l’alimentation traditionnelle des régions rurales d'Afrique du Sud, l'apport en fibres se situerait entre 50 et 90 grammes par jour. Une analyse contemporaine, portant sur le régime méditerranéen antique de Crète, retrouve environ 50 grammes par jour. On suppose même que nos ancêtres, il y a 50 000 à 100 000 ans de cela, consommaient plus de 100 grammes de fibres par jour. Au vu de ces chiffres, les 30 grammes par jour recommandés par la Suisse s’apparentent plus à un minimum qu’à un apport optimal.
Une consommation minimale dans les pays industrialisés
Il y a une dizaine d’années, pour la première (et toujours unique) fois, on a analysé l’alimentation en Suisse. Pour une étude sur les fibres alimentaires, il a fallu attendre 2024! Selon l'étude nationale de l’alimentation menuCH, chez les personnes âgées de 18 à 75 ans, la consommation de fibres était d'environ 19 grammes par jour. 87 % des adultes avaient une consommation quotidienne inférieure aux 30 grammes minimum recommandés en Suisse. De plus, la consommation de fibres était négativement et proportionnellement corrélée à la consommation de produits ultra-transformés. Les chercheurs qui ont mené cette étude ont donc demandé la mise en place de mesures de santé publique – dans le but d’augmenter la consommation de fibres et de diminuer celle de produits ultra-transformés.
Sur les questions de santé publique, il est difficile de comprendre pourquoi les fibres n’occupent toujours pas la même place que le sel ou le sucre. Cette focalisation sur la réduction du sel et du sucre serait justifiée par une recommandation de l’OMS, mais même cet argument est bancal. En effet, l’OMS recommande elle aussi – à juste titre – d’augmenter notre consommation de fibres.
Les fibres et le sport
Dans le monde du sport, il n’existe pas de recommandations précises concernant les fibres, à l’inverse des glucides ou des protéines, par exemple. Ce qui vaut pour la population générale vaudrait donc également pour les sportifs. En effet, de par leur rôle d’élément nutritif pour le microbiome, les fibres sont l’une des composantes essentielles d'une alimentation équilibrée. À cela s'ajoute l'hypothèse qu’un microbiote «heureux» pourrait permettre de meilleures performances et une santé intestinale optimale. Dans le sport, il faut donc voir une alimentation trop pauvre en fibres comme suboptimale pour la santé, mais il faut également considérer l’impact négatif qu’elle peut avoir sur les performances sportives.
Unique exception: juste avant ou pendant un effort intense, la consommation de fibres est à éviter, car elle peut entraîner des troubles digestifs. Au quotidien, un grand apport en fibres correspond cependant à une alimentation saine pour les sportifs.
Noix, légumineuses, et céréales complètes
Si vous souhaitez améliorer votre apport en fibres, il convient de planifier une diversité des aliments de votre régime. Les noix, les légumineuses et les céréales complètes sont à rajouter en premier lieu. Attention, cependant: les légumineuses ne sont pas des sources de protéines, car elles n’en contiennent pas assez. Pour votre santé musculaire, augmenter votre consommation de légumineuses tout en consommant moins de protéines animales serait donc contre-productif.
*Le Dr Paolo Colombani, expert en nutrition, est conseiller scientifique au sein de sa propre entreprise. Avec Christof Mannhart, ingénieur diplômé de l’école polytechnique de Zurich, il publie Notabene Nutrition, «le magazine web avec des articles de fond sur les aliments, les suppléments et le ‘healthy living’». www.colombani.ch; www.notabenenutrition.media
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