Interview avec Maja Neuenschwander

12. mars 2019

Il y a trois ans et demi, Maja Neuenschwander se trouvait à l’apogée de sa carrière. Lors du marathon de Berlin, elle a battu le record suisse de Franziska Rochat Moser. En s’entraînant avec assiduité et persévérance, elle a réussi un exploit dont personne ne la pensait capable. Ensuite, sa carrière s’est toutefois retrouvée au point mort. Elle veut désormais reprendre son envol.

La limite entre les hauts et les bas est étroite, et soudain, il ne s’agit plus d’avaler des kilomètres, puis de récupérer, mais de gérer des rendez-vous chez le médecin et de se tourner vers des formes d’entraînement alternatif. Peux-tu nous dire ce qui s’est passé après ton triomphe et ce qui te permet de finalement retrouver le chemin de la réussite? 

Je n’ai certes pas réussi à «terminer» un marathon au cours des deux dernières années, mais les raisons de ces pannes étaient de nature différente. En 2017, j’ai pu achever ma phase de préparation de bien 3 mois sans difficultés majeures, mais lors des courses de Londres (au printemps) et de Berlin (à l’automne), j’ai été «freinée» brutalement. Une fois en raison de fortes douleurs musculaires, et l’autre fois à cause d’une élongation. En 2018, j’ai démarré la saison sur les chapeaux de roue avec un nouveau record personnel en semi-marathon. En revanche, j’ai dû abandonner la préparation pour les championnats d'Europe de Berlin en raison d’une fracture de fatigue au niveau de l’os pubien. 

Suite à cela, je me suis accordé une longue trêve sportive afin que le corps et l’esprit puissent vraiment bien récupérer. Durant cette période, j’ai cependant travaillé intensément pour combler mes déficits musculaires et tenter d’éliminer les dysbalances musculaires qui s’étaient «installées» au cours des dernières années. J’ai également réorganisé mon environnement sportif, et j’ai repris une activité à 50% auprès de Swiss Olympic. 

J’opère donc avec des approches très différentes, en conséquence de quoi il est très difficile de dire quelles mesures m’ont finalement aidée à retrouver le bon cap. L’une des leçons que j’en tire, c’est qu’après plus de 10 ans de sport de haut niveau, mon corps avait besoin d’une vraie pause, que n’étais pas prête à lui accorder. 

À l’heure actuelle, c’est dans le pays des coureurs, plus précisément à Iten, que tu te prépares à tes nouveaux objectifs. Iten est pour toi un «lieu de force». Qu’est-ce qui rend cet endroit et les entraînements là-bas si particuliers?

Depuis mon premier séjour au Kenya en 2014, je me sens très bien ici. Je trouve tout le «cadre» extrêmement inspirant et motivant. En même temps, je trouve ici le calme et la sérénité qui me permettent de me concentrer exclusivement sur la course à pied. Je ne connais aucun autre endroit où tant de personnes travaillent à la réalisation de leur grand rêve de course à pied, et où je suis aussi respectée en tant qu’athlète. Par contre, je dois admettre que je ne peux pas m’imaginer vivre ici pour une longue période. 

 

Quels ajustements as-tu apporté à ton entraînement pour renouer avec tes anciens records?

Le plus gros changement est certainement que je ne cours plus après un volume hebdomadaire de 230-240 km. Ici, au Kenya, ma semaine la plus intense était de 210-220 km. C'est-à-dire que je m’accorde volontairement une demi-journée de récupération sans courir de plus qu’il y a encore deux ans. Nous avons également modifié la partie musculation, même si cela occupe certainement une part moins importante que l’ajustement de l’entraînement de course à pied.

Comme toi, un grand nombre de coureuses et coureurs prendront le départ d’un marathon cette année. Peux-tu leur livrer 3 conseils pour la préparation et la course elle-même?

Mes conseils de préparation: 

  • Opter pour un entraînement malin et ciblé: s’entraîner pour un marathon se fait toujours sur le fil du rasoir. Soit on en fait trop, soit pas assez. En conséquence, lors de la préparation et au fur et à mesure que le marathon approche, la qualité prévaut de plus en plus sur la quantité. Durant les dernières semaines, il faut mettre l’accent sur un entraînement très intensif ou de récupération. 
  • Prévoir des courses longues chaque semaine: 22-40 km à un rythme plus soutenu qu’une course d’endurance «normale».
  • La périodicité: se constituer une base solide, veiller à un volume suffisant et s’entraîner spécifiquement pour le marathon. Après 2-3 semaines d’entraînement, s’accorder une semaine de récupération afin que le corps puisse refaire le plein d’énergie et que l’entraînement fasse son effet. 

Mes conseils pour la course: 

  • Un marathon est toujours une compétition contre soi-même (pas contre les autres).
  • On peut prévoir beaucoup de choses pour un marathon, mais pas tout! Il faut être prêt à faire face à des surprises, et ne pas se laisser troubler.
  • Laissez-vous porter par les spectateurs et savourez cette formidable sensation.

As-tu un secret que tu pourrais nous dévoiler? 

S’accorder une récompense! S’entraîner pour un marathon est souvent dur et nous pousse à nos limites mentales et physiques. Pour que le corps et l’esprit tiennent bon, je leur promets une récompense après avoir brillamment réussi ma course. C’est un peu comme la fameuse «saucisse» à laquelle je pense pendant les phases intenses, et que je «savoure» après avoir franchi la ligne d’arrivée ou quelques jours plus tard.

Foto: ZVG